Après avoir assisté, lors de l’Ubuntu Party, à la conférence de Véronique Bonnet et Luc Sievet, avec pour thème l’année 1984 — c’est en premier lieu un rapport au roman d’anticipation d’Orwell, mais c’est également l’année de la mort de Foucault célèbre pour son essai « Surveiller et punir », celle de naissance de Snowden mais aussi du projet GNU par Stallman —, j’avais envie d’y répondre plus longuement par écrit.

Cette conférence était très intéressante à plusieurs niveaux :

  • le principe de surveillance pour mieux contrôler le peuple
  • l’importance du savoir comme contre-pouvoir à la tyrannie
  • la reprise en main de la liberté

En effet, nous sommes habitués à la surveillance permanente aussi bien physiquement parlant via les caméras de surveillance placées un peu partout mais aussi via les nouvelles technologies (internet, téléphone portable, etc…). Nous sommes en permanence suivis, profilés, engloutis par des messages publicitaires, tout le monde peut potentiellement savoir où l’on est, où l’on va, ce que l’on aime ou pas… Je ne reviendrai pas sur les moyens techniques mis en place ni les manières d’être plus difficilement « espionables ». Ce qui m’a intéressé surtout, c’est l’importance du savoir pour pouvoir s’émanciper du pouvoir en place et ainsi reprendre en main sa vie en toute liberté.

La conférence faisait référence à deux ouvrages, deux romans, qui me semblent particulièrement judicieux : 1984 et Fahrenheit 451. Dans les deux cas, le langage et le livre en tant qu’objet de transmission de savoir, de partage sont des armes qu’il faut soit s’approprier (la novlangue et la réécriture des textes pour Orwell) soit détruire (les autodafés pour Bradbury). Donc, si nous voulons être libres, il nous faut repasser par l’étape du savoir. Pas celui inculqué à l’école ou cette soi-disante culture transmise par les médias, mais bien celui d’un savoir libre, partagé par tous et qui nous permet en tant qu’être humain de faire des choix de vie conscients et volontaires. Déjà, si nous avons en nous cette volonté, alors un grand pas est fait dans notre vie de libriste. Parce qu’au delà d’utiliser des logiciels libres ou d’être partisan de l’informatique libre, il faut que notre mode de vie, notre philosophie de vie soit en adéquation avec notre utilisation pratique des alternatives à la société de surveillance technologique. Utiliser les logiciels libres parce que c’est bien n’est pas suffisant. C’est un début mais la liberté personnelle passe par autre chose. Et c’est sur point que j’aurais aimé participer lors de la conférence mais le manque de temps m’en a empêché.

Le principe de nos sociétés actuelles est basé sur la peur. D’une part, la peur de l’autre qui sert d’alibi à la surveillance — nous vous surveillons pour éviter des attentats terroristes par exemple — et qui est l’un des premiers freins à la création d’une nouvelle société libre et de confiance ; d’autre part, la peur d’être seul face à soi-même et de devoir assumer des choix pas toujours faciles. Dans Fahrenheit 451, la femme du héros ne se sent bien qu’à condition d’être submergée, entourée des murs-écrans qui la bercent en permanence de communications, d’informations, de bruits parasites… Bref, elle a peur de se retrouver face au silence, seule face à elle-même, de devoir réfléchir par elle-même. Il est tellement plus simple d’adopter les solutions de facilité proposées par le pouvoir en place, qui cherche uniquement à endormir les consciences, plutôt que de devoir trouver une autre voie, forcément plus difficile. Par exemple, il n’est pas toujours aisé de résister à la pression des réseaux sociaux type Facebook lorsque se créent des groupes spécifiques dans le cadre de l’école ou autre. Il faut assumer de se sentir exclu, de devoir passer par d’autres moyens pour entrer dans une communauté.

Ce n’est qu’à cette condition d’acceptation et d’acte de conscience volontaire que l’on peut se considérer comme un(e) libriste, philosophie de vie qui recherche la voie du partage, du savoir et de la liberté en s’émancipant aussi bien par les actes que par le discours du pouvoir en place, en refusant d’être un mouton de Panurge surveillé et manipulé, voulant simplement avoir une réelle vie privée.