Morgane Tual, journaliste au Monde, nous parle de l’annonce de vente de 4chan dans un de ses articles(1). Je ne vais pas parler ici de l’achat de l’imageboard, de ce que l’avenir lui réserve peut-être, mais de son fonctionnement et de son contenu, sujets abordés en deuxième partie.

4chan a un contenu très varié, qu’il s’agisse de conversations, de musiques, de vidéos, etc. il y a du moral et de l’immoral, du légal et de l’illégal…
Le principe fondateur de 4chan est l’anonymat, vous pouvez poster du contenu pédopornographique ou vous pouvez exprimer clairement votre opinion et vos arguments sur le dernier événement sujet à débat, le tout sans que l’on sache quelle personne physique vous êtes. Il ne s’agit pas là de lâcheté, bien qu’il est impossible de nier que l’anonymat est utilisé parfois dans ce sens, mais d’authenticité.

« Le prix de l’échec est beaucoup trop grand quand vous contribuez [sur Internet] sous votre réelle identité. » Christopher Pool

D’ailleurs ce qui importe, n’est-ce pas le contenu plus que l’auteur ? Si cette citation avait été anonymisée elle ne serait pas différente dans le fond. Alors qu’en laissant le nom de l’auteur elle risquerait de subir certains préjugés… Là je m’égare un peu.

Le second principe de 4chan est l’oubli, il s’agit d’un site ne possédant pas de mémoire, quelque soit le contenu que vous aviez publié la veille, aujourd’hui il n’y existe plus. Cela rend potentiellement certains échanges moins productifs, cela peut créer de la frustration de ne pas avoir pu suivre telle chose ou ne pas se rappeler de quelque chose que l’on ne retrouvera plus par ce biais. Je suis probablement loin d’avoir conscience de tous les mauvais points que cela peut avoir, mais l’anonymat est selon moi nécessaire, et l’oubli suffisant, pour choisir d’utiliser ce genre de plate-forme plutôt qu’autre chose.

« Quand on est jeune, on dit des choses stupides, mais comme il n’y a pas d’enregistrement, personne ne peut vous reprocher à 30 ans quelque chose que vous avez dit ou fait quand vous en aviez 8. Mais en ligne, vous avez tous ces réseaux sociaux qui sont en train d’imposer une identité permanente et, en échange, nous sommes en train de sacrifier notre droit à la jeunesse. Dans dix ans, tout ce que vous dites et que vous faites sera visible en ligne, et je pense que c’est vraiment regrettable. » Christopher Pool, New York Times

Il y a peu de temps, j’ai dévoilé mon identité à une personne que j’ai rencontré sous mon pseudonyme, par choix bien sûr, mais j’ai été prévenu : le stalk sera très poussé. Depuis que j’ai créé mon identité virtuelle sous pseudonyme, j’ai cherché tout ce qui me concernait afin de trier ce qui devait être gardé ou non et sous quelle identité. Le tri a été plutôt bien fait, malheureusement, le stalk a été plus intense que je ne l’ai fait moi-même pour me retrouver, et a révélé qu’il restait un peu de mon passé numérique en ligne, un passé entre l’enfance et l’adolescence qui plus est, autant vous dire que ressentir un certain malaise est loin d’être improbable. J’ai donc entamé une recherche plus intense encore pour trouver des reliquats, des choses que je ne souhaite pas revoir, et encore moins laisser à quelqu’un la possibilité de tomber dessus. J’ai demandé la suppression de chaque détail que j’ai pu trouvé jusqu’ici.

Alors pourquoi la mémoire du web n’est pas plus souvent éphémère ? Le commerce des données est bien trop important aux yeux des grands capitalistes pour qu’ils abandonnent leurs bénéfices pour des personnes souhaitant avoir un contrôle sur ce qu’ils ont partagé ou partageront. Ou il s’agit simplement d’une mauvaise mise en place des personnes en charge du service ou de la solution. Peu importe le cas dans lequel on se trouve, c’est un triste constat, mais il est donc important de se rappeler qu’avant de s’abonner ou de s’inscrire à un service, il faut se renseigner pour savoir si ce dernier dispose des normes que nous estimons nécessaires, à ce titre, il convient d’être éduqué afin de pouvoir soi-même fixer et comprendre les normes.

  1. Morgane Tual, Le Monde - Chats mignons, stars nues et Anonymous : la folle saga du controversé forum 4chan